Après Décollage et Satellite, deux EPs dont on avait déjà parlé sur Future Face, Euteïka revient sur les plateformes avec Supernova. Finalité d’une œuvre en trois actes, dans cet EP l’artiste creuse en huit titres l’écart entre lui et le reste de la scène rap actuelle. Se posant en rappeur à part, il brille telle une étoile prête à exploser et expose ses talents de plume dans un projet aux accents poétiques.

"J’me suis toujours senti comme à côté, comme en-dehors"

En science, une Supernova est une étoile qui explose, et voit donc son intensité lumineuse augmenter. En musique, Supernova est le nouveau blason arboré par Euteïka, et aussi son EP conclusion d’une trilogie à plusieurs faces.  

A la première écoute de ce projet, on ne peut s’empêcher de repenser à ceux qui l’ont précédé. Là où Satellite s’ouvrait sur sa track nominative, celui-ci s’offre une "Intro" sobre. Morceau puissant, cet incipit musical pose le thème principal de l’EP : la distance. Un sujet qu’Euteïka prend le temps de peindre tout au long du projet au travers de ses huit morceaux, usant d’un flow maîtrisé et d’une écriture poétique mais aiguisée. Car pendant 25 minutes, l’artiste fait état d’un écart entre lui et les autres, entre le rappeur et sa concurrence, mais aussi entre le narrateur et ses histoires. S’opposant à une "vie ordinaire" dans "630 CMH", revendiquant de n’avoir "jamais respecté les règles" dans "Mon cœur" ou encore de s’être toujours senti "comme à côté, comme en-dehors" dans "Supernova", Euteïka se veut être un ovni devant le reste du monde. Et sa musique en témoigne. 

"J’accueille la lumière en moi / La fin d’un cycle, Supernova"

On dit souvent que pour avoir son propre style artistique, il faut d’abord maîtriser les classiques. Une règle qu’on peut supposer d’or pour Euteïka, qui ne craint pas d’aborder les thèmes phares du rap (la drogue, les femmes, l’argent et la réussite) tout en faisant fi des codes. L’artiste propose dans cet EP une réécriture de ces notions, et présente à son public un projet soigné qui met en valeur son créateur. Rappeur masqué par choix, Euteïka ne cesse de se dévoiler un peu plus à chaque titre – une habitude qu’on retrouvait déjà sur Satellite – et de creuser la distance avec ses pairs. Le morceau d’outro "Supernova" en témoigne : l’artiste y évoque la distance qui le sépare du reste de la scène rap pour acter son statut d’étoile montante. Il y fait le bilan de son parcours sur une instru à l’image de celle de l’intro, pour conclure par une comparaison. Par le truchement de sa plume, Euteïka devient alors une supernova, ces étoiles plus brillantes que les autres. Qui connaît la physique ne peut que garder en tête que les supernovas sont des étoiles mourantes. Mais à écouter le morceau, et l’EP qui l’accompagne, on en oublierait presque toutes les règles scientifiques. Car Euteïka n’évoque pas la fin de sa lumière, bien au contraire : le rappeur pose les premiers piliers de son héritage, et prépare déjà la suite.

De cet EP on retiendra les textes, soignés et littéraires, qui ne cessent de rappeler la poésie baudelairienne et ses classiques Fleurs du Mal. On retiendra aussi la lumière qui se dessine sous les paroles crues, l’espoir presque enfantin de réussite sous les récits de deal et de mort. On se souviendra de l’humour et de la facilité d’Euteïka à nous peindre un décor et à nous entraîner avec lui, non pas dans sa chute, mais dans son ascension. Et depuis sa hauteur, on ne peut qu’avoir le vertige.

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